J’ai eu la très grande chance au printemps 2015, de pouvoir visiter les ateliers de pratiques artistiques du centre hospitalier de Montfavet. J’avais été éblouie par la beauté de leurs productions, par l’intelligence de leur démarche, par l’exigence dont elles sont les fruits.
J’ai découvert La Galerie du Bout du Monde quelques mois plus tard, et je suis tombée sous le charme de cette galerie dont Camille Sauvant a su préserver tant la force, que la poésie, et qu’il fait vivre avec passion depuis des années. Lorsque Camille Sauvant me dit que pour les 30 ans de sa galerie, il souhaite exposer de l’art singulier, je sais immédiatement que je vais lui proposer une collaboration.
J’ai par ailleurs le privilège de pouvoir accéder à une collection d’art premier à la fois originale et savante, constituée depuis des années par un amateur éclairé. Cette collection m’a immédiatement inspiré le choix de cette exposition, où je fais entrer en résonance les arts singuliers avec les arts premiers.
J’ai repris le chemin de Montfavet et après quelques réunions, Pierre Helly, directeur des ateliers de pratiques artistiques, et ses collaboratrices Mireille Aouillé-Sigaud et Juliette Ferrier nous ont fait le très grand honneur d’accepter cette aventure.
Mon chemin dans l’art est d’abord celui du théâtre, fondateur de mon regard sur le monde, il éclaire mes choix même lorsque mes projets se trouvent éloignés du plateau, et ce que je tiens à partager sur cette exposition en est aussi le reflet.
Les arts singuliers et les arts premiers ont en commun le mystère de leur grâce, l’incandescence de leur présence au monde, qui font la puissance des émotions qu’ils suscitent. Certains experts pourront certainement me contester ce choix et je ne renie rien de sa fragilité, c’est elle qui m’intéresse, m’a toujours intéressée. Comment organiser une exposition, sans s’exposer un peu soi même, je ne sais pas et ne suis pas certaine de vouloir l’apprendre. La fragilité quand elle est assumée, s’appelle le risque et lui seul sait engendrer la délicatesse et l’intensité, pour ne pas dire la singularité !
J’ai toujours défendu le partage de territoire, le frottement. Confronter les univers, amener chacun à d’autres langages, me semble aussi passionnant que nécessaire.
Passionnant, car mettre des œuvres en miroir, les offrir à un autre regard, provoquer la rencontre, nous amène nous-aussi à nous « déplacer » et c'est ce déplacement qui est fécond.
Nécessaire, parce que lorsque nous « croisons » les arts, nous croisons aussi les publics : un décloisonnement essentiel. Certaines personnes seront venues pour l’art singulier, d’autres pour l’art premier, d’autres encore pour La Galerie du Bout du Monde et ce que je crois, c’est que leurs émotions se croiseront elles aussi. Du décloisonnement vient la surprise, de la surprise vient la curiosité, et ce chemin est souvent celui qui mène à l'art…
Je remercie très chaleureusement tous ceux qui ont rendu possible cette exposition, et je souhaite un très bon moment à tous ceux venus la visiter.
Sabrina Perret, Commissaire d’Exposition
arts premiers : statuette Yangzi | arts singuliers: Fabienne Dupinm
arts premiers: masque Mitsogho | arts singuliers: Espo